Une ordonnance publiée au JO du 23 avril 2020 modifie encore une fois les textes en vigueur sur l’activité partielle pour les adapter à la crise du Covid-19. Parmi ces mesures, pour l’heure à vocation temporaire, une modification du régime social des indemnités complémentaires parfois versées par les employeurs, la prise en compte de certaines heures supplémentaires structurelles qui deviennent potentiellement indemnisables et une possibilité d’activité partielle individualisée, sous condition de dialogue social.

Durée d’application

Les dispositions modifiées ou ajoutées par l’ordonnance du 22 avril 2020 ici commentées sont insérées dans celle du 27 mars portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, JO du 28).

Elles sont donc temporaires et applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020.

Régime social des indemnités d’activité partielle

Indemnités réglementaires obligatoires – L’ordonnance du 27 mars 2020 a suspendu temporairement les dispositifs d’exonération de CSG/CRDS et de taux réduit de CSG qui peuvent s’appliquer aux indemnités d’activité partielle sous condition de revenu fiscal de référence (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 11).

Ces indemnités restent exonérées de cotisations et de taxe sur les salaires.

En conséquence, la CSG due sur les indemnités d’activité partielle se calcule à 6,20 % et la CRDS à 0,5 % au titre des revenus de remplacement, après abattement d’assiette de 1,75 %, quel que soit le revenu fiscal du bénéficiaire.

Le cas échéant, l’employeur doit appliquer un mécanisme d’écrêtement, qui peut conduire à ne pas précompter ces contributions ou à ne les précompter qu’en partie.

Pour mémoire, le prélèvement de la CSG/CRDS sur les revenus de remplacement ne peut pas en effet pas avoir pour effet de faire passer le montant net des indemnités d’activité partielle, éventuellement cumulé avec la rémunération d’activité, sous le SMIC brut calculé sur la base de la durée légale (10,15 € × 35 h × 52/12 en 2020 pour un mois).

Indemnités complémentaires versées par l’employeur. – En outre, l’ordonnance du 27 mars avait précisé que les indemnités complémentaires, versées par les employeurs, en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale, en complément des indemnités obligatoires d’activité partielle (ex. : taux de 80 % au lieu de 70 %), suivent le même régime social que les indemnités d’activité partielle obligatoire (exonération de cotisations, CSG/CRDS sur les revenus de remplacement à 6,20 et 0,50 %, s’il y a lieu écrêtement).

Pour les indemnités relatives aux périodes d’activité à compter du 1er mai 2020, l’ordonnance du 22 avril 2020 ajoute une précision de taille.

Ainsi, par dérogation à la règle ci-dessus, lorsque la somme de l’indemnité légale d’activité partielle et de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale est supérieure à 3,15 fois la valeur horaire du SMIC (70 % de 4,5 SMIC), soit 31,98 € par heure indemnisable, la part de l’indemnité complémentaire versée au-delà de ce montant sera assujettie aux contributions et cotisations sociales comme du salaire (c. séc. soc. art. L. 136-1-1 et L. 242-1 ; ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 11 modifié ; ord. 2020-460 du 22 avril 2020, art. 5, JO du 23).

En conséquence, cette fraction sera soumise à la CSG/CRDS au titre des revenus d’activité (9,20 % + 0,50 %, après abattement d’assiette de 1,75 %) et aux différentes cotisations et contributions sociales applicables.

On soulignera, qu’à la lettre, ce régime d’assujettissement ne concerne que la fraction d’indemnité complémentaire dépassant 3,15 SMIC, et pas l’indemnité obligatoire due par l’employeur, même si celle-ci dépasse ce montant.

Par exemple, pour un salarié en forfait jours dont le taux de rémunération horaire de référence pour l’activité partielle serait de 66 €, l’indemnité obligatoire de 70 % (soit 46,20 € par heure) resterait en intégralité soumise au régime des revenus de remplacement.

Certaines heures supplémentaires structurelles indemnisables

On le sait : une des règles fondamentales de l’activité partielle veut, qu’en principe, les heures supplémentaires ne sont pas indemnisables, ainsi que le prévoit expressément le code du travail.

Les textes prévoient en effet que les heures « perdues » au-delà de la durée légale du travail ou, lorsqu’elle est inférieure, au-delà de la durée conventionnelle ou contractuelle du travail, sont chômées, mais ne donnent pas lieu au versement de l’allocation d’activité partielle. L’employeur n’a pas à rémunérer le salarié et, en tout état de cause, il ne reçoit aucune allocation d’activité partielle en remboursement à ce titre (c. trav. art. R. 5122-11).

Il en va notamment ainsi, par exemple, des heures supplémentaires structurelles, liées à la pratique de durées collectives du travail supérieures à 35 heures hebdomadaires ou de conventions de forfait supérieures à la durée légale, qui sur le principe ne sont pas indemnisables. De son côté, l’employeur n’est légalement pas tenu de les payer.

Dans le contexte de la crise sanitaire exceptionnelle liée au covid-19, le gouvernement a décidé de rendre certaines heures supplémentaires structurelles indemnisables au titre de l’activité partielle

L’ordonnance prévoit désormais la possibilité de prendre en compte, dans les heures non travaillées indemnisables, les heures de travail au-delà de la durée légale ou collective du travail, dès lors qu’elles sont prévues par une stipulation conventionnelle ou une stipulation contractuelle conclue avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance, à savoir avant le 24 avril 2020 (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 1 bis nouveau ; ord. 2020-460 du 22 avril 2020, art. 7, JO du 23).

Cette mesure concerne donc les heures supplémentaires comprises dans le volume de travail prévu par :

des conventions individuelles de forfait établies sur la semaine, le mois ou l’année (c. trav. art. L. 3121-56 et L. 3121-57) conclues avant le 24 avril 2020 (ex. : forfait de 37 h ou 39 h par semaine, de 169 h par mois) ;

ou des durées collectives de travail supérieures à la durée légale prévues par des conventions ou accords collectifs de travail (branche, entreprise…) conclus avant cette même date.

Dans les autres situations, à la lettre de l’ordonnance, on retombe sur les règles de base, de sorte que les heures supplémentaires ne sont pas indemnisables.

Ainsi, ne sont pas indemnisables, par exemple, des heures supplémentaires structurelles liées à une durée collective du travail de 39 heures appliquée sur décision de l’employeur sans base conventionnelle, ou sur la base d’un accord collectif ou d’une convention de forfait conclu à partir du 24 avril 2020.

S’agissant des conventions de forfait, on rappellera qu’une règle d’ordre public prévoit qu’elles doivent être formalisées par écrit (c. trav. art. L. 3121-55). Difficile donc, a priori, d’imaginer l’indemnisation d’heures supp’ structurelles sur la base d’un forfait « non écrit ».

La référence aux accords collectifs antérieurs au 24 avril 2020 permet notamment aussi de couvrir « officiellement » les entreprises relevant de la convention collective des hôtels-cafés-restaurants ayant des durées collectives de travail allant jusqu’à 39 h. En effet, les textes conventionnels prévoient le principe d’une durée collective de travail de 39 h hebdomadaires, sauf durée inférieure fixée dans l’entreprise (avenant n° 2 du 5 février 2007 étendu par arrêté du 26 mars, art. 3).

Ce faisant, l’ordonnance donne une base juridique au « deal » passé par les partenaires sociaux de la branche des HCR avec les pouvoirs publics (voir, par exemple, les communiqués de la CFDT services du 3 avril 2020 et de FO-FGTA du 30 mars 2020). La mesure est finalement passée par ordonnance, et non par décret comme certains syndicats l’avaient annoncé.

Reste maintenant à savoir comment sera calculé le taux horaire de référence qui servira d’assiette au calcul de l’indemnité d’activité partielle (taux horaire de base calculé sur 151,67 h, ou plus simplement taux horaire moyen intégrant les majorations pour heures supplémentaires). L’administration précisera sans doute sa lecture à l’occasion d’une prochaine mise à jour de son document questions/réponses.

Activité partielle individualisée

En principe, l’activité partielle est conçue comme un dispositif collectif (entreprise, établissement ou parti d’établissement, service, etc.). L’employeur ne peut pas « choisir » qui il va faire travailler, modulo la possibilité déjà prévu de chômage partiel par roulement en cas de réduction de la durée du travail (c. trav. art. L. 5122-1).

L’ordonnance permet aux employeurs, sur le fondement d’un accord collectif (accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, convention ou accord de branche), ou à défaut d’accord, après avis favorable du comité social et économique (CSE) ou du conseil d’entreprise, de placer en activité partielle leurs salariés de façon individualisée ou selon une répartition non uniforme des heures chômées ou travaillées au sein d’un même établissement, service ou atelier, lorsque cette individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d’activité (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 10 ter nouveau ; ord. 2020-460 du 22 avril 2020, art. 8, JO du 23).

Ces accords, ou décisions sur avis conforme du CSE, cesseront toutefois de produire à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020.

Il est également précisé que l’accord ou le document soumis à l’avis du CSE ou du conseil d’entreprise détermine notamment :

-les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier ;

-les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées ;

-les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à 3 mois, selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères mentionnés ci-dessus afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord ou du document ;

-les modalités particulières selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés ;

-les modalités d’information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.

Qu’en est-il des entreprises sans CSE ? La situation n’est pas expressément prévue par le texte, mais selon l’entourage de la ministre du Travail, on semblait considérer que l’employeur n’avait pas d’autre choix que de passer par un accord collectif, en mobilisant le cas échéant les nouvelles possibilités de négociation ouvertes par les ordonnances Macron (accord par référendum dans les TPE, etc.). Reste à confirmer ce point.

S’agissant des périodes couvertes par les demandes d’activité partielle très nombreuses déjà déposées et autorisées pour les mois à venir, la situation reste à clarifier. Mais il est certain que nombre d’entreprises pourront souhaiter, dans le cadre d’une reprise progressive, pouvoir avoir une marge ne manœuvre pour mobiliser « les bonnes compétences au bon moment ».

Autres mesures signalées

Employeurs publics employant des salariés privés. – L’ordonnance précise les conditions dans lesquelles l’activité partielle est applicable à certains employeurs publics employant des salariés de droit privé (3° à 7° de c. trav. art. L. 5424-1, établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État, groupements d’intérêt public et sociétés publiques locales (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 2 modifié ; ord. 2020-460 du 22 avril 2020, art. 6, JO du 23).

Leurs salariés de droit privé peuvent être placés en activité partielle, dès lors que ces employeurs exercent à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources.

Ceux de ces employeurs ne payant pas de cotisations chômage sur leurs salariés de droit privé (employeurs en auto-assurance, n’ayant pas adhéré au régime d’assurance chômage) ne recevront pas en remboursement des indemnités d’activité partielle versées aux salariés la part financée par l’Unédic.

Particuliers employeurs et assistants maternels. – L’ordonnance prévoit aussi des mesures relatives aux salariés employés à domicile par des particuliers employeurs et les assistants maternels.

Ils peuvent bénéficier à titre temporaire et exceptionnel d’un dispositif d’activité partielle spécifique (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 7).

Sans rentrer dans le détail de la nouvelle ordonnance, on signalera qu’elle vise à leur ouvrir le bénéfice des indemnités pour les heures perdues au-delà de la durée l’égale, dans la limite de la durée fixée par leurs conventions collectives nationales respectives, dès lors que ces conventions sont applicables (ord. 2020-460 du 22 avril 2020, art. 7, JO du 23).

Ord. 2020-460 du 22 avril 2020, art. 5 à 8, JO du 23

SOURCE : REVUE FIDUCIAIRE RFPAYE DU 23/04/2020